L’immobilier est un secteur clé dans les émissions de gaz à effet de serre (GES), et par conséquent, le secteur tertiaire aussi. Il a un rôle stratégique pour améliorer le bilan environnemental du pays.
Le décret impose aux acteurs du secteur tertiaire, propriétaires comme locataires, d’agir en respectant des objectifs extrêmement ambitieux. Ce qu’ils ont tout intérêt à faire non seulement pour l’environnement, mais aussi pour valoriser leur patrimoine immobilier.
A défaut de reconnaître cette opportunité, les mauvais élèves pourraient voir leurs biens immobiliers être publiés sur une liste officielle et infamante, sur le principe du « name & shame », avec un impact direct sur la valeur de ces biens.
Tous azimuts, c’est un peu le credo du gouvernement français dans ses efforts pour lutter contre le réchauffement climatique dans le secteur immobilier. Il multiplie les initiatives, que ce soit à destination des professionnels du bâtiment comme des particuliers. Il existe par exemple aujourd’hui une demi-douzaine de dispositifs d’aides, dont le dernier, MaPrimeRénov, mis en place en janvier dernier et qui évoluera en 2021.
On le rappelle, si besoin en était, l’immobilier est bien sûr un secteur clé, ce qui explique ces efforts gouvernementaux ! Selon le rapport sur l’état de l’environnement, le bâti « résidentiel-tertiaire » est, depuis 2009, le deuxième poste d’émissions de GES de la France. Il contribue à hauteur de 20 % du total national, soit 91 Mt CO2e(1).
Une surface tertiaire en hausse
Pour améliorer le bilan environnemental de ce secteur en France, il faut agir non seulement sur le neuf, en établissant de nouveaux cahiers des charges pour nos modes de construction, mais aussi sur l’existant. C’est là qu’intervient le décret tertiaire, qui pousse les professionnels de l’immobilier à accélérer la transition énergétique en imposant une rénovation du parc immobilier existant tertiaire.
Dans le détail, le secteur dit « tertiaire » regroupe les immeubles de bureaux (23 %), les commerces (22 %), les locaux d’enseignement (19 %), les établissements de santé (12 %), les équipements culturels et sportifs (7 %), les restaurants et les hôtels (7 %) etc… (selon des chiffres de 2016).
Un tiers des émissions de l’immobilier provient des bâtiments du secteur tertiaire, soit 34 Mt CO2e, toujours selon le rapport sur l’état de l’environnement. Entre 1990 et 2017, les émissions de GES issues des bâtiments du secteur tertiaire ont augmenté de 8 %, ce qui s’explique notamment par l’expansion significative de la surface tertiaire, de près de 50% sur la période.
Des progrès dans la performance énergétique
Tout n’est pas noir pour autant. En effet, depuis 2009, la consommation d’énergie du secteur diminue d’environ 2 % en moyenne chaque année. Comment expliquer cette différence ? Grâce à une meilleure efficacité énergétique et une utilisation d’énergie moins carbonée.
C’est ce type d’amélioration des performances que vise le décret tertiaire… mais à une échelle autrement plus ambitieuse. L’objectif de réduction des consommations énergétiques des bâtiments est en effet fixé à – 40 % dès 2030, – 50 % en 2040, – 60 % en 2050 !
L’objectif de consommation doit être comparé à une année de référence, qui peut être choisie entre 2020 et 2010 inclus. Le bâtiment doit avoir connu une exploitation complète pendant cette année de référence pour disposer de données de consommations relevées sur 12 mois. L’année de référence devra être déclarée à partir de mars 2021. Le décret apparaît donc comme un texte imposant des critères de performance énergétique à respecter sur un rétroplanning.
Le périmètre d’action
C’est l’arrêté d’application du 10 avril 2020 qui vient préciser le périmètre d’action d’un décret publié le 23 juillet 2019, en complément de la loi ÉLAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) du 23 novembre 2018.
Attention, tout le monde n’est pas concerné. Seules les surfaces tertiaires de plus de 1000 m2 sont soumises à cette obligation. Cela peut concerner un bâtiment unique, mais aussi des surfaces inférieures à 1000 m2 dont le cumul totalise plus de 1000 m2 sur une même unité foncière, en notant que les surfaces de parking sont exclues.
L’obligation s’impose aux bailleurs comme à leurs locataires. Le périmètre de responsabilité de chacun est renvoyé à la rédaction du bail.
Les objectifs de réduction de consommation sont bien bâtiment par bâtiment. Il est toutefois possible de mutualiser les bâtiments d’un parc tertiaire et de permettre des compensations entre eux si des bâtiments sont conformes à l’objectif et d’autres non.
Consommation ciblée : l’énergie finale
Enfin, la consommation prise en compte est la valeur en énergie finale, c’est-à-dire l’énergie au stade final de la chaîne de transformation, soit au stade de son utilisation par le consommateur finale. Elle comprend les consommations des usages de la réglementation thermique 2012 (chauffage, ventilation, climatisation, éclairage, eau chaude sanitaire), mais aussi d’autres comme par exemple la bureautique.
Chaque année à partir de 2021, les consommations énergétiques des bâtiments concernés doivent être envoyées sur une plateforme informatique appelée OPERAT et gérée par l’ADEME afin d’assurer le suivi d’application du décret. Cet envoi doit être effectif avant le 30 septembre.
En outre, un dossier technique est à préparer pour 2026. Il doit contenir une étude énergétique (bâti, équipements, comportement), un programme d’action à l’échelle du bâtiment, le coût et le retour sur investissement. Il doit être tenu à disposition comme justificatif des actions de réduction de consommation.
Vers un principe de « Name and Shame » ?
En cas de non-respect de l’obligation, les contrevenants risquent une amende pouvant aller jusqu’à 7500 euros, pour chaque obligé (bailleurs et locataires). Ce faible montant paraît peu coercitif, mais le gouvernement semble plutôt tabler sur une sanction du marché pour atteindre le porte-monnaie des retardataires, en annonçant vouloir publier une liste des mauvais élèves, en ligne et libre d’accès, sur le principe du « Name and Shame » (nommer et faire honte).